- La Vie "J’ai jeûné sept jours dans le désert " - Jeûne et Plénitude
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– La Vie “J’ai jeûné sept jours dans le désert “

de AMÉLIE DUHAMEL

La privation de nourriture correspond aussi à une quête de mieux-être. Notre journaliste a testé une semaine de marche et de jeûne en Tunisie.

Quand j’ai annoncé que j’allais suivre un stage de jeûne d’une semaine, j’ai tout entendu : « Tu vas être épuisée », « Tu vas perdre tous tes muscles », « Tu vas grossir deux fois plus à ton retour », « Sans accompagnement médical, c’est de la folie »… Et j’avoue que, même motivée, j’ai eu un peu peur, surtout de ne pas tenir le coup.

Le choix d’un stage

Sur Internet, les propositions de cures abondent : détox, bien-être, yoga, méditation, randonnée. Aucune, en dehors de la fameuse clinique Buchinger en Allemagne, qui affiche ses visées thérapeutiques, ne propose de suivi médical, mais je suis en bonne santé… L’idée d’allier le jeûne et la marche, activité idéale pour la sexagénaire que je suis, me plaît. Je choisis donc d’aller faire mon stage chez Gisbert et Gertrud Bölling, un couple de soixante-huitards venu d’outre-Rhin. Adeptes de la méthode Buchinger, qui autorise l’absorption d’un peu de jus de fruit et de bouillon de légumes, ils ont introduit cette pratique en France. Leurs stages se déroulent dans la Drôme et à Douz en Tunisie, à la lisière du Sahara. La perspective de randonner dans le désert emporte ma décision.

Avant le départ

Lors de mon inscription, je réponds à un questionnaire de santé sommaire. ­Gisbert m’informe que je perdrai 5 kg, que je dois prendre des vêtements chauds pour la nuit. Pour préparer mon ­organisme, je dois aussi réduire la viande, les laitages et les excitants avant mon départ. L’avant-veille, je me réveille avec une sacrée migraine, peut-être due au changement de mes habitudes alimentaires, qui passe au bout de 24 heures.

Le premier jour

À l’arrivée, je dors à l’hôtel à Tozeur. Il y fait froid. Ici, en hiver, on s’habille plus qu’on ne se chauffe. Je me couche avec, pour tout dîner, une orange et une banane. Au réveil, j’ai droit à une petite bouteille d’eau. Gisbert est venu me prendre en voiture et lorsqu’il s’arrête pour acheter du pain complet – pour la fin du jeûne –, je soupire. Mais la route à travers le Chott el-Jérid me fait oublier la faim. Cette immense vallée saline dont les cristaux étincellent au soleil semble semée d’oasis : des mirages. Nous arrivons « au château », une grande villa bâtie au beau milieu d’une palmeraie magnifique. J’y retrouve deux autres stagiaires, Alain, 20 ans, globe-­trotteur, et Éva, 38 ans, kinésithérapeute, qui jeûnent depuis 24 heures, et louchent avec envie sur le pain que Gisbert sort de la voiture.

À 10 h, munis chacun de deux bouteilles d’eau agrémentée d’un peu de jus de pomme que nous chargeons sur les deux dromadaires d’Amr, notre guide, nous nous mettons en route. Le soleil chauffe les membres. La marche est relativement aisée sur terrain plat, mais, sur les dunes, les pieds s’enfoncent dans le sable qui vient alourdir les chaussures. J’enlève mon pull, je suis en nage, et en plus j’ai faim.

Heureusement, c’est l’heure de la pause. Alain, Éva et moi nous nous étendons au soleil, loin d’Amr et de Gisbert qui sortent du pain et des dattes. Ma bouteille d’eau me console. Le sable est doux au toucher, le paysage féérique. Il paraît que dans deux ou trois jours, nous ne sentirons plus la faim. Le retour est plus facile, nous marchons pieds nus dans le sable doux en devisant. Quand la palmeraie apparaît, il est 15 h 30. Je ne me sens pas fatiguée, je bois pour tromper mon estomac.

À la cuisine, nous avalons une purge destinée à vider nos intestins pour éliminer le restant du bol alimentaire. Nous avons certes faim, mais pas plus que ce matin. Gisbert nous explique ce qui va se passer : les deux premiers jours du jeûne, l’organisme attend sa nourriture. Puis il comprend qu’il doit s’adapter à la disette, et la sensation de fringale disparaît car il va puiser dans ses réserves. C’est « l’autorestauration ». Les cellules ne manqueront de rien, transformant les graisses en glucose, indispensable au fonctionnement du cerveau et des muscles. Le soir, nous apprécions particulièrement le bouillon de légumes qui fait office de repas.

Au fil de la marche

J’ai très bien dormi, longtemps, malgré la purge, d’une efficacité redoutable. À 10 h, je me sens en pleine forme, mes compagnons aussi. Nous sommes étonnés : ni fatigue, ni nausées, ni mal de tête tels qu’annoncés. La randonnée nous enthousiasme, et nous rentrons les poches pleines de roses des sables. Pas de faiblesse particulière à signaler. Tous les jours au retour, Gisbert nous parle des vertus du jeûne et de l’équilibre alimentaire. Cela ressemble un peu à du bourrage de crâne, mais c’est assez convaincant. Le soir, après avoir bu avec délectation notre bouillon, nous visionnons des films sur la question.

Les jours suivants,

la sensation de faim disparaît effectivement. Avec deux ou trois litres d’eau par jour, l’organisme fonctionne. Seules remarques : la langue est chargée – signe d’élimination des toxines –, le sommeil plus court – six ou sept heures – et la bouillotte du soir nous aide à combattre l’hypocalorie provoquée par le jeûne. La crise d’acidose du troisième jour – rejets acides provoqués par le bouleversement subi par l’organisme – ne se manifeste chez aucun de nous. « Plus il y a de toxines à éliminer, plus cette crise est forte », explique Gisbert. Cela nous rassure sur notre état.

Le quatrième jour,

nous dormons sous la tente, dans un campement. Des touristes y dégustent un couscous appétissant. Éva salive et s’éloigne, tandis qu’Alain et moi demeurons presque indifférents. Le lendemain, j’ai mal au dos et je me sens un peu faible, mais mes compagnons sont en pleine forme.

Bientôt le couscous ?

Nous dormons de moins en moins. Pas de fatigue, mais les nuits s’étirent sans fin. Ce matin, Gisbert met des graines de lin et des pruneaux à tremper. Cette nourriture sommaire est sensée relancer l’élimination intestinale. Hélas, ce premier « repas » est loin d’être goûteux. Les graines de lin me donnent même envie de vomir. Mais, en stagiaire disciplinée, j’avale tout, folle de joie à l’idée de manger un bon couscous ce soir au restaurant de Douz avant de reprendre la route pour Tozeur d’où nous partons le lendemain. Éva, elle, a décidé de jeûner un jour de plus.

Au dîner,

Alain et moi ne sommes pas déçus : soupe de légumes à l’orge, couscous avec de la graine complète et salade. L’estomac a rétréci, nous mangeons donc raisonnablement tout en savourant. ­Gisbert nous fait ses recommandations : rester modérés au retour pendant au moins une semaine et consommer moins de sel, moins de protéines animales et moins de nourriture. Il conseille aussi de s’astreindre à un jour de jeûne ou de monodiète hebdomadaire pour conserver les bienfaits de la cure.

Juste après la cure

Je suis en pleine forme : 3,5 kg de moins, mais on croirait que j’en ai perdu le double ; douleurs d’arthrose diminuées ; moral d’acier ; capacités de concentration maximum ; et surtout, envie d’une nourriture plus saine.

Deux mois après

De cette cure, j’ai retiré de vrais enseignements. Une meilleure capacité à contrôler mon poids et à diversifier mon alimentation. Nous mangeons souvent trop, plus par habitude que par besoin. Ces quelques jours m’ont ramenée à l’essentiel, à une consommation plus raisonnée, loin du superflu. En tout cas, je remets ça l’année prochaine.

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